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03 avril 2014

Michèle Cotta : lire son article "Hollande-Valls, bonnet blanc et blanc bonnet ?"

Éditorial de lucienne magalie pons

Puisque "Le Point .fr" invite à partager ses articles, nous avons choisi de reproduire intégralement ci-dessous l'article de Michèle Cotta qui donne son avis et son analyse "Hollande-Valls", bonnet blanc et blanc bonnet ?"

Michèle Cotta

Michèle Cotta : Hollande-Valls, bonnet blanc et blanc bonnet ?

Le Point.fr - Publié le

Inutile de chercher ce qui, sur le terrain politique, sépare vraiment le président de son Premier ministre : pas plus qu'une feuille de papier de cigarette.

François Hollande et Manuel Valls, mercredi à l'Élysée.
François Hollande et Manuel Valls, mercredi à l'Élysée. © Eric Feferberg / AFP 
 
 
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L'eau et le feu ? La normalité ou l'impétuosité ? La prudence ou la transgression ? Le rond ou le tranchant ? C'est bien en effet sur ce terrain, celui du tempérament, du comportement, que réside la vraie différence entre François Hollande et Manuel Valls. Inutile de chercher ce qui, sur le terrain politique, sépare vraiment ces deux sociaux-démocrates de conviction : pas plus qu'une feuille de papier de cigarette. L'un a tout appris dans l'Élysée de François Mitterrand. L'autre a grandi avec Michel Rocard : si leurs chemins ont été tracés dans l'ombre des deux personnalités qui ont marqué le plus le socialisme sous la Ve République - le premier, qualifié d'historique (celui de Mitterrand) ; le second, de moderne (celui de Michel Rocard) -, ils se sont retrouvés, l'un et l'autre, trente ans plus tard, sur des positions identiques. Sur la compétitivité, sur le marché, sur les entreprises, les entrepreneurs et les salariés, sur la justice sociale, Manuel Valls a eu hier soir sur le plateau de TF1 les mêmes mots que François Hollande annonçant, le 14 janvier dernier, le pacte de responsabilité.

Dans le domaine de l'immigration et de la sécurité, on aurait tort aussi d'opposer le sécuritaire Manuel Valls à l'irénique François Hollande : depuis des années, depuis 1997 en tout cas, lorsque François Hollande était premier secrétaire du Parti socialiste et Manuel Valls le plus proche collaborateur de Lionel Jospin, alors Premier ministre, ils ont ensemble mesuré le danger que faisait courir aux socialistes, modernes ou pas, l'accusation de laxisme en la matière. Manuel Valls a toujours pensé - et dit tout haut - que l'échec terrible de Lionel Jospin en 2002 s'expliquait par le sentiment d'insécurité des Français, et surtout par l'impression que Matignon n'apportait pas de réponse à leur angoisse. Jamais, sur ce sujet, ni pendant sa campagne présidentielle ni depuis son élection à la présidence, François Hollande n'a exprimé la moindre réserve sur les positions de Manuel Valls. La maîtrise nécessaire de l'immigration a toujours fait partie, depuis les années 2000 en tout cas, de leur accord politique.


Pas de surprise donc, à entendre Manuel Valls, dans sa première interview de Premier ministre, où il est apparu, d'ailleurs, moins à l'aise qu'à l'habitude, revendiquer la continuité dans la politique définie par le chef de l'État. Ceux qui attendaient de lui qu'il bouleverse de fond en comble les fondements du "hollandisme", se trompaient.


Tempérament



Non, si François Hollande l'a choisi après le sévère avertissement du 30 mars dernier, si le choix de Manuel Valls lui a paru nécessaire, c'est en raison de son tempérament. Quelle célérité en effet dans l'ascension de ce tout juste quinquagénaire qui se retrouve aujourd'hui à Matignon : douze ans auparavant, il gérait la communication de Lionel Jospin. Le voici aujourd'hui assis derrière son bureau. Volontiers iconoclaste, il n'a jamais craint de déranger, de choquer même, ceux des socialistes qui le jugeaient trop libéral. Accrocheur, volontaire, il ne s'est pas vraiment préoccupé de ceux qui ne pensaient pas comme lui. Organisateur efficace, homme de commando aussi, il s'est souvent irrité, dans les campagnes qu'il organisait pour les autres, de l'insuffisance, et parfois de l'ignorance, des vertus de la communication.

Rapide, actif, presque trop, il piaffait d'impatience, en revanche, devant le rythme trop tranquille adopté depuis deux ans par le gouvernement et le président. Il n'a jamais caché à ce dernier - il lui en a parlé à plusieurs reprises, dès l'été 2012 - qu'il fallait faire vite, plus vite. Naturel, donc, que confronté à une opinion publique désenchantée, François Hollande lui ait confié la tâche la plus difficile qui soit : ne pas changer d'un iota la politique définie par lui, laquelle n'a pas reçu l'aval des électeurs la semaine dernière, tout en exaltant les Français- et les ministres eux-mêmes-, à l'effort et à la cohésion.


Ce sera donc à Manuel Valls de tailler sa route, et d'entraîner son gouvernement, vers un cap que François Hollande a toujours des difficultés à montrer avec clarté. De l'équipe resserrée dont il a désormais la responsabilité, Manuel Valls compte bien être le vrai chef d'orchestre, le véritable animateur. À y mettre de l'ordre aussi. Ce n'est pas par hasard si les "poids lourds" du gouvernement précédent ont été gardés, au point que leur présence risque bien d'être interprétée comme de l'immobilisme. C'est que leur noviciat est considéré comme terminé : ils n'auront plus droit à ces couacs qui ont malencontreusement marqué les débuts du quinquennat. D'amateurs, ils sont censés être désormais des professionnels. À bon entendeur, salut.


Malédiction de la Ve République

 


Alors, ce nouveau tandem, qui se compose de deux personnalités idéologiquement proches, caractériellement opposées, résistera-t-il à la malédiction qui, sous la Ve République finit toujours par opposer un président à son Premier ministre ? À vrai dire, ils n'ont plus le choix. D'abord parce que le président ne peut pas changer de ministre tous les 31 du mois. Deux Premiers ministres, cela va. Trois en un quinquennat, cela risque de faire beaucoup. Ensuite parce que le terme du mandat se rapproche : il n'est que temps de redresser la mécanique, et surtout, d'aboutir à des résultats en matière de croissance, donc d'emploi. Plus tard, ce serait trop tard. S'ils savent être complémentaires, l'espoir, mince, leur est encore permis. S'ils s'opposent, en revanche, tout sera perdu.


Le danger, on le mesure dès aujourd'hui, viendra sans doute d'ailleurs : de la partie de la gauche pour laquelle accroître la compétitivité, c'est faire des cadeaux aux entreprises ; qui rêve, sans bien la définir, d'une autre politique et pense que la dette de la France doit s'annuler, tout en restant dans l'Europe, dont elle est par ailleurs partisane. Quant aux écologistes, ils ont démontré, en refusant un grand ministère de l'Écologie, qu'ils se préoccupaient davantage d'une politique alternative que d'une réussite environnementale.


Manuel Valls a donc face à lui une petite minorité de députés PS qui disent haut et fort que le corps électoral a désavoué la politique à leurs yeux trop libérale suivie depuis 2012, et que le nouveau Premier ministre n'est pas celui qu'attend la base socialiste. À lui de démontrer à la majorité d'entre eux que le combat de la gauche de gouvernement n'est pas dans l'idéologie, mais dans les résultats à venir.

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