La vassalisation américaine de l'Europe
est-elle réversible?
III - De l'abaissement à
la trahison
Lettre
philosophique au Président de l'Assemblée nationale
Monsieur le Président,
1 - Le général Lachès et le général Nicias
Sans doute
vous étonnerez-vous de ce qu'une lettre destinée au personnage de haut rang
dont vous incarnez la solennité au sein de la République lui soit adressée
au nom de la discipline socratique, comme si vos responsabilités publiques
n'étaient pas d'ordre politique au premier chef. Mais il se trouve que
votre voeu de soumettre au Parlement un projet de loi qui punirait d'une
amende patriotique les citoyens qui s'en iraient pêcher à la ligne le
dimanche plutôt que d'accomplir un devoir électoral devenu le complice de
l'abaissement de la France sur la scène internationale, il se trouve,
dis-je, que votre volonté répressive se révèle tellement sacrilège qu'elle
pose, depuis Platon la question de savoir pour quelles raisons vous n'avez
pas posé votre question sur son véritable échiquier. Car la première
difficulté que rencontre la philosophie est dans le refus de cette
discipline de se soumettre d'avance au vocabulaire falsifié des
interrogateurs qui posent la question tout de travers. La logique se
contente de demander aux questionneurs s'ils ont pris conscience des
paramètres et des coordonnées qui seuls placeraient leur curiosité sur le
terrain du bon sens.
Prenez la
question inquiète que le Général Lachès et le Général Nicias soumettaient à
l'attention de Socrate: tous deux se tourmentent pour savoir si
l'enseignement traditionnel de l'escrime est indispensable ou du moins
utile à l'entraînement de la jeunesse athénienne à la guerre. L'homme
auquel le poison de la vérité fera boire la coupe de la mort leur répond
sans ambages qu'ils ont domicilié leur question dans un logis inapproprié à
son contenu et que leur gargote gâte d'emblée le nectar de la philosophie,
puisqu'il fallait se demander au préalable si le courage militaire, qui est
l'âme des batailles, doit s'habiller en bête sauvage et revêtir la pelisse
du tigre ou du lion, ou user de l'habileté des escrimeurs. Or, le fil et le
tranchant de l'intelligence sont ceux de deux épées de la pensée, celle de
la logique et celle de la dialectique. Si les armes de la guerre sont au
service de la lucidité, qu'en est-il du type de cervelle que la patrie
requiert du soldat appelé à en découdre avec l'ennemi?
Ce débat a
traversé vingt-cinq siècles de l'histoire cérébrale des batailles; elle a
désormais pris rendez-vous avec le génie des stratèges qui se demandent si
l'auto-pulvérisation instantanée des bêtes sauvages de l'un et de l'autre
camp que permet maintenant la férocité aveugle de l'arme atomique doit
reposer sur les feintes et les ruses de l'escrimeur aux prises avec une
foudre plus puissante que celle de Zeus, mais, malheureusement,
disproportionnée à notre poussière.
C'est
ainsi, M. le Président, que votre question sur l'opportunité de se rabattre
sur l'escarcelle des malandrins qui refuseraient d'aller voter sur un
échiquier truqué pose à la France la même question que Lachès et Nicias
posaient à Socrate, celle de savoir si le suffrage de la nation, tel que
vous le concevez, soustrait ce rite massif à l'arène qu'appelle la
connaissance rationnelle des enjeux auxquels la scène internationale du
XXIe siècle sert de théâtre.
Bien plus:
est-ce demander aux Français d'accomplir leur devoir civique avec la
compétence que le monde réclame de l'électorat d'aujourd'hui, alors que le
candidat de droite, de gauche ou du centre qui se présente à leurs
suffrages se dérobe à la question posée par Socrate, qui voudrait savoir
quelle science des batailles le vote populaire attend du vote populaire et
le corps électoral du corps électoral. Car, vous n'ignorez pas qu'au cours
de son dialogue annuel avec des centaines de milliers de citoyens russes
qui lui posent tantôt des questions focales, tantôt teintées d'humour, M.
Vladimir Poutine a visé le vrai totem. Qu'a répondu ce chasseur, tenu par
un aréopage planétaire de connaisseurs et pour la troisième année
consécutive, pour l'archer le plus puissant, le plus compétent et le plus
expérimenté du monde, qu'a répondu, je vous le demande, cet oracle à une citoyenne
qui lui demandait candidement pourquoi, le 9 mai, les principaux dirigeants
européens ne viendront pas, comme chaque année, célébrer à Moscou la
victoire de 1945 de la Russie sur le nazisme? Vous a-t-on informé de ce que
M. Poutine lui a répondu crûment? "Ces dirigeants-là n'ont pas
pris leur décision de leur propre autorité et sur les planches de leur
théâtre à eux: ils se sont pliés à l'interdiction vigoureuse que Washington
a adressée à leur nation d'assister à notre cérémonie traditionnelle sur la
Place Rouge." La flèche pouvait-elle mieux se planter au cœur
de la cible?
3 - Le peuple-roi en tenue de valet
Croyez-vous,
M. le Président, que le vote des archers de la France d'aujourd'hui exprime
la volonté du souverain que ce peuple était à lui-même avant-hier?
Croyez-vous que le suffrage de cette nation dispose encore des prérogatives
et des apanages inhérents à une démocratie de bons tireurs, dès lors que
les électeurs ne sont informés, ni par la plume des journalistes, ni par
l'image télévisuelle, ni par la voix des ondes, et encore moins de la
bouche de leurs dirigeants de ce que M. Poutine a fait connaître au monde
entier cette déshérence des Républiques modernes? Savez-vous que la
majorité des Français se rend compte de ce que le Président de leur
République n'est plus qu'un exécutant docile des ordres que lui intime
l'étranger et qu'il en reçoit les consignes dans la langue de Shakespeare?
Savez-vous que le peuple français jette solennellement son bulletin dans le
vide?
4 - Monsieur le directeur de conscience de la France
Comment la
population française ne saurait-elle pas que les députés de l'opposition
eux-mêmes reçoivent désormais leur feuille de route de vos mains?
N'avez-vous pas trempé votre plume dans l'encrier du suffrage universel
pour demander nommément à M. Jacques Myard, l'un des esprits les plus
pénétrants de l'Assemblée nationale et député UMP - il n'avait pas hésité à
rencontrer le Président Assad en Syrie - de renoncer, avec quinze de ses
collègues de la minorité, à rendre visite à la Douma et au Président Poutine?
Comme vous ne sauriez représenter la volonté d'un Etat contrefait, mais
seulement celle d'un peuple souverain et de ses représentants sur la scène
internationale, je suis sûr que vous avez consulté au préalable les
autorités concernées et que vous avez dûment vérifié votre habilitation
constitutionnelle à contrôler les déplacements des élus de la nation sur la
mappemonde.
Mais
pensez-vous,M. le directeur de conscience du peuple français, ce qu'il
arriverait sous le soleil si vous rappeliez avec courage à la Gaule et aux
Gaulois que seul un Etat de pacotille et une classe dirigeante réduite à
une pavane politique enrubannée par sa vassalité peuvent oublier qu'on ne
dirige pas un pays auréolé du titre de République si la classe politique et
le chef de l'Etat se montrent publiquement asservis à une mascarade
électorale et si le choix véritable qui s'impose au vote de ce type de
nation doit se trouver précédé d'une initiation à l'escrime? Car il s'agit
de rien moins que de soumettre à la sagesse de Socrate la question de
savoir si le peuple-roi peut se présenter sur la scène internationale sous
les dentelles d'un domestique de la cour ou s'il doit se comporter en
souverain dans l'arène de la vie et de la mort des nations.
Mais si
telle est la question à poser aux citoyens socratiques de notre temps et si
la dignité humaine sera le tribunal millénaire habilité à prononcer le
verdict, alors nous nous trouvons renvoyés plus que jamais à la question de
la validation de la République actuelle et de la légitimation de l'Etat
dont elle s'enrobe.
Car, disait
Socrate, surnommé La Torpille, du nom d'un poisson tétanisant, le
"courage" ignorant et stupide des bêtes sauvages se révèle
inefficace aussi bien sur le champ de bataille que sur l'agora, tellement
le terme de "courage" ne convient pas aux fauves, mais
exclusivement au genre humain, tellement il s'accompagne nécessairement
d'un raisonnement. Mais si l'on ne remporte jamais de victoire digne de la
raison qu'avec le secours des armes de la pensée logique, toute défaite
militaire masquera une stratégie de la sottise - et il faudra quelquefois
remonter le cours du temps pour en découvrir la stupidité en amont.
Il s'agit
donc de savoir si, dans un monde où l'échiquier démocratique est devenu
international et où les républiques sont condamnées à se rendre
rationnelles à l'échelle du monde, un peuple peut se trouver convié à
s'instruire de l'art de terrasser les lois féroces. Autrement dit, le
cirque du monde réel sera-t-il porté sur les fonts baptismaux du type
d'intelligence que notre temps attend de la planétarisation de la vocation
politique du genre humain? Et comme il se trouve que, depuis deux millénaires
et demi, la vocation mondiale de la philosophie occidentale l'appelle à
poser la question socratique de l'éducation cérébrale qu'il convient de
donner au genre humain tout entier, il se trouve, que votre petit projet
répressif et à l'échelle locale a basculé dans le tragique de l'histoire de
l'Europe, tellement la question que vous ne posez qu'à l'échelle régionale
se trouve disqualifiée d'avance: car il ne s'agit plus de savoir s'il faut
empêcher les citoyens de pêcher à la ligne, mais s'il faut apprendre au
peuple souverain à poser l'encéphale de ses dirigeants sur les plateaux de
la balance de Socrate la Méduse, en lequel Montaigne voyait le plus grand
homme de tous les temps.
Dans ce
cas, M. le Président, nous nous demanderons, en bretteurs initiés à
l'escrime intellectuelle des logiciens et des dialecticiens si, oui, ou
non, M. le Président de la République s'est vu crûment interdire par
Washington de transporter son ossature à Moscou le 9 mai et si, par
conséquent, il conduit le peuple français à la vassalisation de ses
suffrages, ou s'il est erroné de soutenir qu'il aurait placé ses organes
physiques sous les ordres d'un Etat étranger. Et puisque l'éducation
actuelle du corps électoral de la France lui interdit de se trouver dûment
informé de ce qui lui arrive et de comprendre ce qui se passe sur la scène
internationale, la question décisive de la souveraineté ou de la servitude
de la charpente du Président de la République glissera-t-elle hors des
mains du peuple français?
Inspectons
les lieux, dressons l'inventaire et écoutons le procureur: le 6 juin 2014,
M. Hollande avait commencé d'informer le peuple français de la gigantesque
falsification de l'histoire de la seconde guerre mondiale dont la classe
dirigeante du pays s'était rendue complice, donc coupable, elle dont la
passivité et la complaisance avaient permis de poser la couronne de
lauriers de la victoire de la démocratie mondiale sur la tête des seuls
Etats-Unis d'Amérique, alors que, sans la contre offensive russe, l'armée
allemande, comme il est aujourd'hui démontré, alors commandée par le
Général von Keitel, aurait purement et simplement rejeté les troupes
américaines à la mer. Telle est la raison pour laquelle cet aristocrate
allemand a été condamné à mort pour un crime de guerre imaginaire par le
Tribunal de Nuremberg.
Poursuivons
l'examen du dossier de l'avocat général: le 5 juin 2014, M. Hollande avait
reçu M. Poutine en grande pompe à l'Elysée, tandis qu'il s'était contenté
d'inviter M. Obama à dîner dans un restaurant de luxe. De plus, il avait
habilement profité de la visite d'Etat de la reine Elisabeth II pour lui
faire descendre les Champs Elysées, ce qui avait privé le Président Obama
des fastes du protocole le plus solennel dont dispose la République. Puis,
à l'occasion de son retour du Kazakhstan, ce Président français s'était
arrêté à Moscou, où il avait chaleureusement serré M. Vladimir Poutine dans
ses bras, ce qui était incompatible avec le degré de pestifération dont ce
lépreux était censé se trouver affligé, tellement les Etats-Unis de
l'époque divisaient encore souverainement le monde entre les damnés et les
bienheureux; et ce coup de tonnerre diplomatique avait conduit à des
accords secrets entre le vice-ministre russe des Affaires étrangères Alexeï
Mechkov et le directeur général des affaires politiques et de sécurité du
Quai d'Orsay, Nicolas de Rivière.
Mais ce
n'est pas tout: M. Hollande avait entraîné Mme Merkel à Moscou afin d'y
conclure les accords de Minsk 2 sur l'Ukraine; et il avait aidé M. Poutine
à faire apposer le sceau du Conseil de Sécurité in corpore, y compris celui
de M. Obama, sur des accords dès lors garantis par la plus haute autorité
internationale. Et maintenant, pensez-vous vraiment que le Président de la
République française aurait soudainement, spontanément et délibérément fait
volte face et renié toute sa politique étrangère depuis près d'un an s'il
n'avait reçu l'ordre exprès et impérieux de Washington de tourner casaque?
Croyez-vous
qu'une puissance étrangère en mesure d'interdire tout net à la France de
livrer à la Russie les navires de guerre Mistral construits aux ateliers
navals de Saint-Nazaire ne tiendrait pas entre les mains un fouet aux
lanières suffisamment douloureuses pour empêcher M. Hollande de monter dans
un avion en partance pour Moscou ? Qui peut le plus peut le moins.
7 - Le cheval de Troie allemand
Savez-vous que Washington envoie discrètement des émissaires aux plus petits Etats de
l'Europe pour leur enjoindre fermement de déserter Moscou le 9 mai ?
Savez-vous que la Macédoine a répondu à la Maison Blanche qu'il est
discourtois d'envoyer des donneurs de conseils à des Etats qui n'ont rien
demandé de ce genre? Savez-vous qu'Airbus, dirigé par un Allemand, a engagé
rien moins qu'une enquête criminelle contre les services secrets de son
propre pays, qui ont espionné la compagnie aérienne, ainsi que l'entreprise
Eurocopter, au profit de Boeing? Savez-vous que cet espionnage au profit de
la NSA américaine s'est étendu à de nombreuses sociétés industrielles
françaises, ainsi qu'à plusieurs hauts fonctionnaires lovés à l'Elysée même
? Savez-vous que la Chancelière était dûment informée de tout cela?
A une
question sur les relations diplomatiques de Moscou avec une Europe alliée
aux dictateurs arabes du Golfe pour la seule défense des intérêts d'Israël
au Moyen-Orient, le Président Poutine a asséné: "Il est
difficile de parler à des gens qui chuchotent même entre eux de peur des
écoutes américaines." Le chef du Kremlin plaisantait d'autant
moins que nous sommes désormais trahis par une Allemagne atlantiste depuis
1945. Croyez-vous qu'à l'heure où tous les dirigeants européens se révèlent
auxiliaires de la CIA et de la NSA, seul M. Hollande n'aurait pas été sommé
de rester piteusement au logis le 9 mai? Dites-le-nous clairement, M. le
Président, avez-vous été espionné au profit des Etats-Unis? L'êtes-vous
encore? Sinon, quand votre surveillance a-t-elle cessé? Quels sont les
moyens physiques dont dispose Washington pour imposer une gigantesque omerta
à toute la classe dirigeante française et européenne? Pourquoi M. Yves
Pozzo di Borgo, vice-Président de la Commission des affaires étrangères du
Sénat, dénonce-t-il la capitulation diplomatique de M. Hollande sans
évoquer en rien la question de la vassalité de la France et en feignant de
croire que M. Hollande serait libre de ses choix?
8 - La géopolitique et la métazoologie
M. le
Président, informez clairement les Français désormais entassés sur les
bas-côtés de la route de ce que le corps électoral européen tout entier se
trouve maintenant composé de nations massivement écartées de l'histoire
réelle de la planète. Dites à vos concitoyens que le suffrage universel
n'est plus la véritable arène des siècles de l'action politique et que de
gigantesques plaques telluriques se déplacent dans les profondeurs des
nations, dites au pays qu'une Europe occupée par cinq cents bases
militaires et places fortes américaines depuis soixante-dix ans n'est plus
qu'un vaste cirque de serfs et de vassaux du Nouveau Monde.
Dites
fermement aux Français que tout homme politique qui ne dénonce pas jour
après jour et inlassablement l'incrustation d'un demi-millier forteresses
américaines en Europe se rend coupable de haute trahison. Dites clairement
au pays que toute la classe politique européenne se révèle complice de la
plus gigantesque mascarade de tous les temps depuis qu'elle a introduit
dans la Constitution même de l'Europe, c'est-à-dire dans la loi
fondamentale commune aux démocraties du monde entier, le principe
extraordinaire selon lequel l'occupation militaire américaine sera
perpétuelle et que votre complicité hallucinante s'étalera au grand jour,
puisque vous avez fait graver une gigantesque omerta internationale
dans le traité de Lisbonne.
9 - Le sang d'une mascarade
Avouerez-vous
aux électeurs que, ce mois-ci, et pour la première fois dans l'histoire du
globe terrestre, une force navale composée de neuf navires de guerre
chinois et russes viendra gentiment et en toute innocence s'exercer à des
manœuvres en Méditerranée? La Chine compte un milliard trois cent millions
d'habitants, mais elle n'alignera que trois forteresses flottantes, parce
que cette puissance redevenue planétaire tout récemment trace ses premiers
sillons sur la mer depuis les expéditions au XVe siècle du grand amiral
Zheng He, tandis que la Russie, qui ne compte que cent cinquante millions
d'habitants en alignera six. La flotte chinoise passera librement un canal
de Suez qui appartient à l'Egypte depuis le 26 juillet 1956. Quant à la
flotte russe de la mer Noire, elle se trouve, depuis le XVIIIe siècle, à
deux pas de la Méditerranée, à Sébastopol, mais elle retrouvera bientôt
Odessa.
Quelle est
la signification symbolique de la stratégie contemporaine des songes marins
de l'humanité, puisque le symbolique débarque sur la terre et demeure seul
réel dans un monde redevenu aussi onirique qu'au Moyen-Age? Rien d'autre
que de figurer, par l'image, la cécité politique et militaire d'une Europe
fondée sur le mythe trompeur de la souveraineté du suffrage universel. Car
ces manœuvres navales sont un jeu dont le songe démocratique mène la danse
avec sa propre effigie, donc un amusement diplomatique dont le dérisoire
souligne paradoxalement le tragique. Car l'heure a sonné où les simulacres
parlent plus haut et plus fort que les évènements. Une éloquente mascarade
sonne de la trompette, et le grand guignol du salut révèle les vrais enjeux
de la représentation mythique.
Ecoutez les
nouveaux tambours de Clio: ils nous rappellent que l'empire américain se
sait le seul propriétaire effectif de la Méditerranée et que Naples ou
Syracuse sont devenus des ports américains sous le sceptre du droit
international actuellement en vigueur. Puisque l'histoire du monde physique
repose sur les pilotis d'une fiction juridique de cette envergure, la
Russie et la Chine espèrent seulement, mais en riant sous cape, que les
yeux lourds de sommeil de l'Europe s'ouvriront quelque peu sur les dessous
de cette vaste fiction et qu'ils se verront un peu mieux dans le rôle de la
cinquième roue du carrosse de leurs idéalités. Le spectacle de cette
galéjade internationale fera sonner à toute volée la cloche d'une Europe
piteusement congédiée de la Méditerranée. Mais savez-vous,M.le Président,
qu'aux yeux de Pékin et de Moscou, le danger n'est pas entièrement écarté
que Washington profite de ce déchirement du voile pour serrer davantage ses
chers vassaux sur son cœur et pour tenter de les mettre en mouvement, non
point contre leur maître, mais contre la perfide menace d'une prétendue
invasion de l'Europe par deux géants de l'Asie?
Moscou et
Pékin ont d'ores et déjà conjuré ce péril : ils ont annoncé à grands cris
qu'aucune tierce puissance n'est visée par cette opérette et qu'il ne
s'agira nullement de bousculer le jeu de cartes dans la région - mais ce
prétendu équilibre est celui de la honte de l'Europe. Décidément,
l'ironie socratique est du voyage: la Torpille nous accompagnera jusqu'au
port où les Hercule de la planète s'amusent à feindre de se défier entre
eux.
10 - Votre devoir patriotique
Voyez
combien la question de Lachès et de Nicias s'est changée en un boomerang
politique à l'échelle du monde: il suffirait que le droit de vote fût placé
sur l' échiquier où son propre mythe le défie pour que toute la classe
dirigeante d'une France censée pilotée par le suffrage universel fût
assignée à comparaître devant les tribunaux d'épuration de ses songes
d'enfant. Le caractère patriotique de votre fonction vous conjure de porter
votre regard sur les vapeurs de la servitude qui montent dans le ciel de la
France. Puisse votre vocation officielle de garant du suffrage national
exorciser une gigantesque mascarade démocratique. Demandez au Parlement
d'informer le peuple français de ce que les institutions devraient se
présenter en moteurs réels des Etats et de ce que leur mission n'est autre
que d'exercer la souveraineté de la nation sur une scène internationale à
soustraire aux contes de fée de la démocratie mondiale.
Informez
d'urgence et vaillamment le peuple français de ce que l'histoire réelle
n'est pas une bande dessinée et de ce que le suffrage soi-disant universel
est devenu l'instrument tout local de la vassalisation du pays. Sinon vous
vous montrerez solidaire d'une République dont le troisième personnage de
l'Etat se sera mis à son tour au service des intérêts désormais étendus à
tout le globe terrestre d'un empire surgi tout récemment d'au-delà des
mers. Serez-vous un gendarme averti des droits, des pouvoirs et du rang du
peuple souverain ou seulement le gardien docile de l'ignorance et de
l'incompétence d'un fantôme d'Assemblée nationale?
Contraindrez-vous les
Français à ne courir aux urnes qu'à l'occasion de leurs élections
régionales ou bien les informerez-vous de la mascarade planétaire dans
laquelle on les appelle à jouer les figurants?
Vous portez
une bannière longtemps souillée par l'occupant, celle de l'assemblée des
élus d'une nation que sa victoire de 1945 a vassalisée en retour. La
souveraineté du pays se trouve symboliquement salie entre vos mains.
Pendant des siècles, tous les vrais historiens feront de vous le paradigme
de la démission d'une France placée sous le joug de l'étranger par la
gauche. Mais ces historiens-là auront si bien progressé dans la connaissance
des détoisonnés qu'ils porteront sur le genre humain un regard
d'anthropologues chevronnés. Ils diront qu'il aura fallu attendre 2015 pour
que la science historique mondiale appelât pour la première fois les
serviteurs de Clio à observer de l'extérieur l'animalité spécifique dont la
cervelle des semi évadés de la zoologie demeure entachée. Alors seulement
les spécimens représentatifs de l'animal saignant à l'écoute de ses songes
ont été cloués sur la planche anatomique du destin du monde; et le monde
s'est révélé jalonné de témoins des bâts ou de la fierté des Etats.
Mais
savez-vous, M. le Président de l'Assemblée des représentants du peuple
français, que tout cela n'est encore que la surface émergée de l'iceberg ?
Savez- vous que la vassalisation de la France trouvera un champ d'expansion
d'autant plus ouvert devant elle que le Président de la République s'est
rallié, en échange de quelques avions Rafale, à la guerre à mort de Tel
Aviv contre la Syrie et l'Iran? Savez-vous que Pékin, Moscou, Téhéran, et demain
New-Delhi, ont aussitôt scellé une alliance universelle contre ce
gigantesque changement de cap de la politique internationale et que le
déplacement du centre de gravité de la planète en direction des seuls
intérêts stratégiques d'Israël au Moyen-Orient ne sera qu'accéléré par le
rejet progressif de la Russie vers l'Est? Savez-vous qu'une Europe qui aura
rompu les ponts avec la Russie issue du siècle des Lumières se réduira à
servir de jambe de bois à l'Amérique.
11 - Qu'est-ce que le courage politique ?
Telles
sont, M. le Président, les considérations à l'échelle de la planète
qu'appelle votre projet de conduire le corps électoral infantilisé,
rabougri et falsifié des Français à la vassalité politique. Mais quel est
l'espoir dont s'inspirent les logiciens de la France cartésienne? Que, dans
un dernier sursaut, l'Assemblée nationale aidera l'élite politique du pays à
rappeler aux citoyens que les vraies Républiques sont dirigées par des
têtes bien faites et que les classes dirigeantes des démocraties sont les
phalanges d'avant-garde de l'humanité. Votre fonction vous place au
carrefour symbolique où la nation fait entendre sa voix à l'Etat et la
République sa voix au peuple français.
Mais,
alors, M. le Président, Socrate ne demandait-il pas à Lachès et à Nicias de
préciser la nature du courage intelligent des Athéniens? Cette vaillance
commune au peuple et aux archontes, insistait-il, doit se montrer
parallèlement sur le champ de bataille et sur l'agora. L'ultime secret des
peuples courageux et des nations éveillées serait-il le même que celui de
la philosophie? Cette discipline voudrait élever le cerveau demeuré embryonnaire
et superficiel de l'humanité et de ses dirigeants au rang d'un guide digne
de l'histoire sommitale du monde. Mais, dans ce cas, sachez, M. le
Président, que vous n'en avez pas terminé avec la Torpille.
Il est
erroné, dirait Socrate, de prétendre que deux précautions valent mieux
qu'une et que ce qui va sans dire ira mieux encore en le disant; car la
géopolitique est une chose, la métazoologie moderne en est une autre.
Qu'une Amérique superficielle tente de déplacer le centre de gravité d'une
planète de la sottise du côté des relations locales et dérisoires de la
Russie avec l'Ukraine ressortit à la géopolitique d'autrefois; mais qu'un
demi-milliard d'Européens s'imaginent que la victoire de 1945 sur le
nazisme les aurait fait débarquer en masse dans le jardin d'enfants d'une
démocratie universelle où tout le monde, il est beau, il est gentil, voilà
qui ressortit à une métazoologie abyssale de l'histoire et de la politique
d'Alice au pays des merveilles; et la métazoologie exige un déchiffrage
anthropologique des songes politico-religieux des semi-évadés du règne
animal.
M. le
Président des songes d'un République du ridicule intellectuel, sortez de la
politologie mythologique du Moyen-âge des démocraties de l'abstrait,
réfutez votre propre effigie de séraphin de la Liberté, dessinez un autre
portrait de la France politique. Le peuple français vous regarde droit dans
les yeux; et il vous demande d'apprendre à regarder la France dans un autre
miroir de l'histoire et de la politique que celui de l'étranger.
Le 8 mai 2015
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