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06 décembre 2015

Manuel de Diéguez : Le tartuffisme des handicapés de la politique

Éditorial de lucienne magalie pons

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"Interroger les grands philosophes, c'est transformer les questions qu'on leur pose en instruments d'approfondissement de la connaissance du genre humain."
Jaspers

Le tartuffisme des handicapés de la politique



1 - Qu'est-ce qu'un handicapé de la politique ?

La géopolitique est un laboratoire dans lequel des mots nouveaux ne cessent de se donner à observer dans la richesse, la diversité et la profondeur de leur contenu anthropologique inconscient. Au cours d'une émission télévisée le présentateur a demandé au chanteur Pierre Pierret s'il écrirait une chanson sur François Hollande. Réponse: "J'ai jamais fait de chansons sur les handicapés".
Qu'est-ce qu'un handicapé de la politique, donc un handicapé de la science des peuples et des nations, un handicapé de l'histoire? Prenez l'exemple de M. Del Cano, chef du gouvernement de la République de Weimar, qui regardait la politique avec les lunettes d'un "économiste distingué" sur le nez et qui s'imaginait que la France occupait la Ruhr parce qu'elle en retirait les bénéfices d'une entreprise prospère. Par conséquent, se disait M. Del Cano, il suffira de retirer à cette entreprise commerciale son attrait économique pour que les Français quittent la Ruhr; je vais donc susciter une grève des mineurs qui rendra stérile, pour l'escarcelle de la France, les mines de charbon de mon pays.
Naturellement, M. Poincaré regardait l'histoire en homme politique. A ce titre, il savait que la Ruhr était une prise de guerre et que les vainqueurs conservent leur butin. Il lui a suffi de remplacer les grévistes allemands par des citoyens français pour conserver son trophée.
Mais, à ce compte, les hommes politiques de l'Europe actuelle ne sont-ils pas tous des handicapés taillés sur le modèle de M. Del Cano en ce qu'ils ne portent pas de regard proprement politique sur les Etats, les nations et l'histoire? Figurez-vous qu'ils ne voient pas que l'OTAN n'est autre que la main de fer de l'Amérique sous le gant de velours du mythe démocratique. Figurez-vous qu'ils ne portent pas de regard sur les cinq cents bases militaires qui, soixante-dix ans après la paix de 1945, occupent l'Europe du nord au sud et de l'est à l'ouest.
Or, ces campements d'une armée étrangère sur le sol de l'Europe ne sont pas des stèles commémoratives et seuls les handicapés mentaux de la politique internationale y voient des mausolées. Ces troupes d'occupation se livrent continuellement à des manœuvres. Elles ne cessent de se déplacer - si elles se tenaient immobiles, la main de fer évoquée plus haut cesserait de veiller au grain sous le coussinet trompeur d'un rêve de la Liberté.
Mais il y a plus: les handicapés mentaux que l'Union européenne a placés à la tête des Etats du Vieux Monde ont rédigé la seule Constitution censée "démocratique et républicaine" dont les statuts précisent que des troupes étrangères s'y trouveront lovées à titre perpétuel ! Mais pour que cette vassalisation s'accomplisse sous le sceptre même de la "démocratie" et pour que les peuples se rendent complices de leur propre vassalisation, il faut que le concept d'handicap politique ait rendez-vous avec une tout autre profondeur anthropologique que celle d'une politologie qui aurait déjà conquis la connaissance de ses ultimes fondements.

2 - Le génie politique de Tartuffe

Pour descendre de quelques marches dans l'abîme d'une simianthropologie de la politique et de l'histoire, il faut observer la profondeur du génie politique de Tartuffe qui savait, lui, que les dévots sont rivaux entre eux, au chapitre de leur puissance et de leur rang, dans la hiérarchie des émules du Créateur de l'univers.
C'est la vanité religieuse dont la piété de sa proie s'enveloppe que Tartuffe s'applique à flatter.
Orgon
Chaque jour à l'église il venait d'un air doux,
Tout vis-à-vis de moi, se mettre à deux genoux.
(…)
Et lorsque je sortais, il me devançait vite,
Pour m'aller à la porte offrir de l'eau bénite.
Molière, Le Tartuffe ou l'Imposteur, Acte I, Scène IV
On admirera la sûreté de trait du psychanalyse avant la lettre de 1664 qui dénude les ressorts de la balourdise doctrinale d'un second type de faux dévot, Orgon lui-même, qui boit en benêt le nectar de l'auto-sanctification à bas-prix.
Le démiurge du cosmos a des favoris, comme tous les rois de ce monde. Un favori n'a qu'un seul objectif: celui de figurer en bonne place dans le palmarès des plus proches confidents du roi de l'univers. Mais le terme favori renvoie à favere, comblé de faveurs et derrière faveur vous trouverez en embuscade fas et nefas qui ont donné en français faste et néfaste. Mais fas signifie simplement sacré en latin.
Or, le mythe américain fonctionne exactement sur ce modèle. Les dévots de Washington se mettent une taie sur les yeux pour ne pas voir un empire en expansion sous le drapeau de son évangile et pour se présenter en dévots rivaux entre eux au chapitre des bienfaits et les faveurs de cour que leur accorde le roi de l'univers. Si vous ne plongez pas dans les profondeurs inconsciemment théologiques du mythe démocratique, vous demeurerez des Del Cano de la politique internationale. Car l'empire démocratique athénien se proclamait le guide du monde hellénique tout entier, comme Washington se proclame le pédagogue du mythe international de la Justice, de la Liberté et des droits séraphiques du simianthrope.

3 - Le handicapé physique et le handicapé cérébral

C'est ici qu'il convient d'observer la différence entre le handicapé physique et le handicapé mental. Le premier est un infirme ou un invalide parfaitement informé de la déficience corporelle qui le paralyse, tandis que non seulement le handicapé cérébral 
ignore l'infirmité qui le frappe, mais se montre loquace et même volubile sur le modèle que Platon a décrit, tellement l'ignorance se montre sûre de son pas et nourrit d'arguments l'erreur même dont elle croit armer sa raison. Ce phénomène s'est rendu observ able de la manière la plus démonstrative et argumentée par le spectacle même d'un langage de la vérité au service du faux si efficacement illustrée par l'occupation militaire de l'Europe de 1949 à nos jours.
Car dès 1949, de nombreuses bases militaires portaient une bombe atomique "démocratique" construite sur le modèle de l'apocalypse d'Hiroshima. Substituer des bombes de type thermonucléaire aux bombes d'Hiroshima devenues obsolètes, c'eût été prendre le risque d'ouvrir les yeux des handicapés cérébraux eux-mêmes sur la dangerosité de se trouver surarmées par une puissance apocalyptique capable de faire exploser la planète plusieurs fois. Cette année l'occupant a donc imaginé de retrouver une armure plus résolument onirique, qu'il a baptisée un bouclier censé capturer en vol, si je puis dire, une pluie de missiles atomiques censés expédiés par un ennemi imaginaire. Et comme il était difficile d'imaginer une canonnade de ce genre en provenance de la Russie, l'Iran a servi d'arsenal potentiel, faute de mieux.
Mais du coup, le handicap proprement cérébral s'est révélé de nature à faire tomber la vassalition pseudo démocratique dans le délire mental pur et simple. Car cette construction fantastique faisait retourner le Pentagone à la démence de substitution imaginée avant l'attentat du 11 septembre 2001, à l'heure où l'Amérique s'étant sentie à court d'armure du symbolique et du mythologique et avait dû recourir à une forme nouvelle et inédite de l'apocalyptique, à savoir une guerre des étoiles.
On se souvient que le 11 septembre 2001 a mis un terme à cette carence du fantasmagorique en fournissant derechef au vainqueur de 1945 une arme réelle et physique à mythologiser à l'échelle de la planète et à inscrire au palmarès de l'évangélisme démocratique.
On voit que le handicap cérébral actuel des dirigeants européens précipite la politique dans le thaumaturgique dont l'alliance avec le saugrenu transfigure la géopolitique en un asile de fous. Le handicapé politique moderne vit dans un monde dont la démence nous renvoie aux terreurs du Moyen-Age

4 - Le fonctionnement tartuffique du genre humain

Ce qui se cache derrière les handicapés de la raison politique, c'est rien moins que le fonctionnement tartuffique du genre humain. Toutes les nations de la terre se sont ruées en Irak sous le sceptre et l'auréole confondus du roi de la démocratie, sauf la France de Jacques Chirac ; et ce n'est pas l'argumentation rationnelle de la France qui a réfuté le tartuffisme démocratique de la guerre en Irak, mais seulement la défaite de l'Amérique de Tartuffe à Bagdad. Puis c'est bien en vain que M. Dominique de Villepin s'est rendu auprès des dirigeants arabes de l'époque, afin, croyait-il, d'y recueillir les lauriers de la victoire de la France cartésienne. Il a pu constater que le sceptre et les saintes Ecritures conjugués du démiurge de Washington demeuraient intacts, tellement le simianthrope scindé entre le réel et le songe est un animal à la cervelle schizoïde.
Or, le Dieu originel qu'observe l'anthropologie critique ne dort jamais que d'un œil et à chaque soubresaut de l'histoire, il se réveille armé de ses deux attributs fondamentaux, le ciel et l'enfer. D'un côté, Dieu est le monstre dont le ridicule et la sottise arment d'un prolongement fainéant l'ossature posthume de sa créature, tandis que l'autre pôle de son omnipotence n'est autre qu'un gigantesque camp de concentration souterrain où la sainteté de la justice est celle d'un tortionnaire de l'éternité. Le mythe démocratique miniaturise ce modèle sans parvenir à en égaler l'extravagance. Le dédoublement tartuffique de la démocratie mondiale est la clé de la théologie et de la politique du simianthrope.

Le 4 décembre 2015


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