"Interroger les grands
philosophes, c'est transformer les questions qu'on leur pose en instruments
d'approfondissement de la connaissance du genre humain."
Jaspers
Le tartuffisme des handicapés
de la politique
1 - Qu'est-ce qu'un handicapé de la
politique ?
La géopolitique est un laboratoire dans lequel des mots nouveaux ne
cessent de se donner à observer dans la richesse, la diversité et la
profondeur de leur contenu anthropologique inconscient. Au cours d'une
émission télévisée le présentateur a demandé au chanteur Pierre Pierret
s'il écrirait une chanson sur François Hollande. Réponse: "J'ai
jamais fait de chansons sur les handicapés".
Qu'est-ce qu'un handicapé de la politique, donc un handicapé de
la science des peuples et des nations, un handicapé de l'histoire? Prenez
l'exemple de M. Del Cano, chef du gouvernement de la République de Weimar,
qui regardait la politique avec les lunettes d'un "économiste
distingué" sur le nez et qui s'imaginait que la France occupait la
Ruhr parce qu'elle en retirait les bénéfices d'une entreprise prospère. Par
conséquent, se disait M. Del Cano, il suffira de retirer à cette entreprise
commerciale son attrait économique pour que les Français quittent la Ruhr;
je vais donc susciter une grève des mineurs qui rendra stérile, pour
l'escarcelle de la France, les mines de charbon de mon pays.
Naturellement, M. Poincaré regardait l'histoire en homme politique. A
ce titre, il savait que la Ruhr était une prise de guerre et que les
vainqueurs conservent leur butin. Il lui a suffi de remplacer les grévistes
allemands par des citoyens français pour conserver son trophée.
Mais, à ce compte, les hommes politiques de l'Europe actuelle ne
sont-ils pas tous des handicapés taillés sur le modèle de M. Del Cano en ce
qu'ils ne portent pas de regard proprement politique sur les Etats, les
nations et l'histoire? Figurez-vous qu'ils ne voient pas que l'OTAN n'est
autre que la main de fer de l'Amérique sous le gant de velours du mythe
démocratique. Figurez-vous qu'ils ne portent pas de regard sur les cinq
cents bases militaires qui, soixante-dix ans après la paix de 1945,
occupent l'Europe du nord au sud et de l'est à l'ouest.
Or, ces campements d'une armée étrangère sur le sol de l'Europe ne sont
pas des stèles commémoratives et seuls les handicapés mentaux de la
politique internationale y voient des mausolées. Ces troupes d'occupation
se livrent continuellement à des manœuvres. Elles ne cessent de se déplacer
- si elles se tenaient immobiles, la main de fer évoquée plus haut
cesserait de veiller au grain sous le coussinet trompeur d'un rêve de la
Liberté.
Mais il y a plus: les handicapés mentaux que l'Union européenne a
placés à la tête des Etats du Vieux Monde ont rédigé la seule Constitution
censée "démocratique et républicaine" dont les statuts
précisent que des troupes étrangères s'y trouveront lovées à titre
perpétuel ! Mais pour que cette vassalisation s'accomplisse sous le sceptre
même de la "démocratie" et pour que les peuples se rendent
complices de leur propre vassalisation, il faut que le concept d'handicap
politique ait rendez-vous avec une tout autre profondeur anthropologique
que celle d'une politologie qui aurait déjà conquis la connaissance de ses
ultimes fondements.
2 - Le génie politique de Tartuffe
Pour descendre de quelques marches dans l'abîme d'une simianthropologie
de la politique et de l'histoire, il faut observer la profondeur du génie
politique de Tartuffe qui savait, lui, que les dévots sont rivaux entre
eux, au chapitre de leur puissance et de leur rang, dans la hiérarchie des
émules du Créateur de l'univers.
C'est la vanité religieuse dont la piété de sa proie s'enveloppe que
Tartuffe s'applique à flatter.
Orgon
Chaque jour à l'église il venait d'un
air doux,
Tout vis-à-vis de moi, se mettre à deux genoux.
(…)
Et lorsque je sortais, il me devançait vite,
Pour m'aller à la porte offrir de l'eau bénite.
Molière, Le Tartuffe ou l'Imposteur, Acte I, Scène IV
On admirera la sûreté de trait du psychanalyse avant la lettre de 1664
qui dénude les ressorts de la balourdise doctrinale d'un second type de
faux dévot, Orgon lui-même, qui boit en benêt le nectar de
l'auto-sanctification à bas-prix.
Le démiurge du cosmos a des favoris, comme tous les rois de ce monde.
Un favori n'a qu'un seul objectif: celui de figurer en bonne place dans le
palmarès des plus proches confidents du roi de l'univers. Mais le terme favori
renvoie à favere, comblé de faveurs et derrière faveur vous
trouverez en embuscade fas et nefas qui ont donné en français
faste et néfaste. Mais fas signifie simplement sacré
en latin.
Or, le mythe américain fonctionne exactement sur ce modèle. Les dévots
de Washington se mettent une taie sur les yeux pour ne pas voir un empire
en expansion sous le drapeau de son évangile et pour se présenter en dévots
rivaux entre eux au chapitre des bienfaits et les faveurs de cour que leur
accorde le roi de l'univers. Si vous ne plongez pas dans les profondeurs
inconsciemment théologiques du mythe démocratique, vous demeurerez des Del
Cano de la politique internationale. Car l'empire démocratique athénien se
proclamait le guide du monde hellénique tout entier, comme Washington se
proclame le pédagogue du mythe international de la Justice, de la Liberté
et des droits séraphiques du simianthrope.
3 - Le handicapé physique et le handicapé cérébral
C'est ici qu'il convient d'observer la différence entre le handicapé
physique et le handicapé mental. Le premier est un infirme ou un invalide
parfaitement informé de la déficience corporelle qui le paralyse, tandis
que non seulement le handicapé cérébral
ignore l'infirmité qui le
frappe, mais se montre loquace et même volubile sur le modèle que Platon a
décrit, tellement l'ignorance se montre sûre de son pas et nourrit
d'arguments l'erreur même dont elle croit armer sa raison. Ce phénomène
s'est rendu observ able de la manière la plus démonstrative et argumentée
par le spectacle même d'un langage de la vérité au service du faux si
efficacement illustrée par l'occupation militaire de l'Europe de 1949 à nos
jours.
Car dès 1949, de nombreuses bases militaires portaient une bombe
atomique "démocratique" construite sur le modèle de
l'apocalypse d'Hiroshima. Substituer des bombes de type thermonucléaire aux
bombes d'Hiroshima devenues obsolètes, c'eût été prendre le risque d'ouvrir
les yeux des handicapés cérébraux eux-mêmes sur la dangerosité de se
trouver surarmées par une puissance apocalyptique capable de faire exploser
la planète plusieurs fois. Cette année l'occupant a donc imaginé de
retrouver une armure plus résolument onirique, qu'il a baptisée un bouclier
censé capturer en vol, si je puis dire, une pluie de missiles atomiques
censés expédiés par un ennemi imaginaire. Et comme il était difficile
d'imaginer une canonnade de ce genre en provenance de la Russie, l'Iran a
servi d'arsenal potentiel, faute de mieux.
Mais du coup, le handicap proprement cérébral s'est révélé de nature à
faire tomber la vassalition pseudo démocratique dans le délire mental pur
et simple. Car cette construction fantastique faisait retourner le
Pentagone à la démence de substitution imaginée avant l'attentat du 11
septembre 2001, à l'heure où l'Amérique s'étant sentie à court d'armure du
symbolique et du mythologique et avait dû recourir à une forme nouvelle et
inédite de l'apocalyptique, à savoir une guerre des étoiles.
On se souvient que le 11 septembre 2001 a mis un terme à cette carence
du fantasmagorique en fournissant derechef au vainqueur de 1945 une arme
réelle et physique à mythologiser à l'échelle de la planète et à inscrire
au palmarès de l'évangélisme démocratique.
On voit que le handicap cérébral actuel des dirigeants européens
précipite la politique dans le thaumaturgique dont l'alliance avec le
saugrenu transfigure la géopolitique en un asile de fous. Le handicapé
politique moderne vit dans un monde dont la démence nous renvoie aux
terreurs du Moyen-Age
4 - Le fonctionnement tartuffique du genre humain
Ce qui se cache derrière les handicapés de la raison politique, c'est
rien moins que le fonctionnement tartuffique du genre humain. Toutes les
nations de la terre se sont ruées en Irak sous le sceptre et l'auréole
confondus du roi de la démocratie, sauf la France de Jacques Chirac ; et ce
n'est pas l'argumentation rationnelle de la France qui a réfuté le
tartuffisme démocratique de la guerre en Irak, mais seulement la défaite de
l'Amérique de Tartuffe à Bagdad. Puis c'est bien en vain que M. Dominique
de Villepin s'est rendu auprès des dirigeants arabes de l'époque, afin,
croyait-il, d'y recueillir les lauriers de la victoire de la France
cartésienne. Il a pu constater que le sceptre et les saintes Ecritures
conjugués du démiurge de Washington demeuraient intacts, tellement le
simianthrope scindé entre le réel et le songe est un animal à la cervelle
schizoïde.
Or, le Dieu originel qu'observe l'anthropologie critique ne dort jamais
que d'un œil et à chaque soubresaut de l'histoire, il se réveille armé de
ses deux attributs fondamentaux, le ciel et l'enfer. D'un côté, Dieu est le
monstre dont le ridicule et la sottise arment d'un prolongement fainéant
l'ossature posthume de sa créature, tandis que l'autre pôle de son
omnipotence n'est autre qu'un gigantesque camp de concentration souterrain
où la sainteté de la justice est celle d'un tortionnaire de l'éternité. Le
mythe démocratique miniaturise ce modèle sans parvenir à en égaler
l'extravagance. Le dédoublement tartuffique de la démocratie mondiale est
la clé de la théologie et de la politique du simianthrope.
Le 4 décembre 2015
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